Lettre ouverte à Emmanuel Macron

14/03/2024

SONJA FINÉR

Monsieur le Président,

Je vous écris du petit pays nordique qu’est la Finlande en tant que représentante d'une petite ONG. J'ose vous parler, même si je suis certainement comme une mouche bourdonnant à la fenêtre de l'étage de maintenance de l'Élysée. Une toute petite mouche dans un endroit où vous ne venez jamais.

Mes amis sont encore plus invisibles à vos yeux. Ils sont présents dans le monde entier et c'est leur travail qui fait vivre votre palais. Au sens figuré, bien sûr.

Permettez-moi de vous en présenter quelques-uns.

Le premier de mes amis, appelons-le Shawn. Il produit en Afrique du Sud le platine nécessaire aux industries européennes de l’hydrogène et de l’automobile. Voici sa chambre. Une cabane de quelques mètres carrés en tôle, où s’infiltre l'air pollué de la mine. En été, il y fait une chaleur étouffante, en hiver un froid glacial. La loi exige que l'entreprise minière améliore les conditions de vie et de travail de ses employés. Pourtant, Shawn et ses amis vivent dans leurs petites boîtes de conserve depuis des années.

Voici une autre de mes connaissances. Je l'appelle Tin Win. Il travaillait dans une usine de conserves en Thaïlande, produisant des marchandises pour les magasins européens. Son passeport avait été confisqué. Il a dû faire des heures supplémentaires sans compensation et payer des frais élevés à l'agence de recrutement. Pour éviter les évasions, l'usine avait l'habitude d'enfermer ses travailleurs dans de petites pièces après la journée de travail.

Mon troisième ami veut rester anonyme. Tout ce que vous pouvez voir, c'est sa main. Il a peur de révéler son identité, parce qu'il est complètement à la merci de son employeur. Il ne sait pas bien lire et travaille dans un pays étranger, où ses conditions de travail ne sont pas au niveau convenu dans son pays d’origine. En Malaisie, il produit de l'huile de palme pour la nourriture que nous, Européens, mangeons, ainsi que pour les biocarburants que nous utilisons dans nos voitures.

Monsieur le Président, la France a été le premier pays dans le monde à adopter une loi qui améliore la situation de mes amis invisibles. C'était une excellente nouvelle qui nous a donné de l'espoir.

Mais bien que la France soit un grand et puissant pays, elle ne peut pas changer la structure de l’économie mondiale toute seule. C'est pour cela que les décideurs politiques ont travaillé pendant des années ensemble pour élaborer des règles communes pour tous les pays de l'Union européenne afin de mettre fin à l'exploitation des gens et de la planète.

Demain vendredi, vous déciderez si ces règles seront mises en place.

Moi, la petite mouche et mes amis invisibles, nous ne pouvons qu'espérer que vous ferez ce qui est juste.

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